A LA RENCONTRE DE FLORIAN GRILL, PRESIDENT DE LA FEDERATION FRANCAISE DE RUGBY

Publié le 24 février 2025 à 16h53 dans Non classé

Olbia poursuit son cycle d’entretiens des présidentes et présidents de fédération nouvellement élus afin de les découvrir et leur permettre de partager leur vision et leurs défis pour leur mandat.

Aujourd’hui, nous rencontrons Florian Grill, président de la Fédération française de rugby qui nous reçoit dans son bureau du centre national du rugby à Marcoussis.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant de devenir président de la fédération ?

J’ai commencé le rugby au PUC, où j’ai évolué des catégories jeunes jusqu’aux seniors. Mes études m’ont amené à m’éloigner du club, mais j’ai continué le rugby dans l’équipe de mon école. En vérité, je n’ai donc jamais quitté le monde du ballon ovale… J’ai ensuite été dirigeant bénévole de l’école de rugby, des jeunes puis président de l’ACBB Rugby, puis de la Ligue Île-de-France de Rugby. A la FFR j’ai été élu au comité directeur de la Fédération Française de Rugby avant d’en devenir président. Parallèlement, d’un point de vue professionnel, j’ai fondé une société de conseil média, CoSpirit, il y a maintenant 30 ans. Aujourd’hui, elle est implantée à Paris, Lyon et Lille, et emploie environ 240 personnes.

Comment organisez-vous votre emploi du temps entre la Fédération et votre activité professionnelle ?

C’est une question d’organisation et de passion. Je travaille physiquement le lundi et le mardi dans ma société à Paris, Lyon ou Lille, puis je suis à Marcoussis le mercredi et le jeudi matin. Du jeudi après-midi au dimanche, je suis sur le terrain à la rencontre des clubs et du rugby amateur. C’est dense mais ça me passionne. Je ne suis pas rémunéré à la fédération. Sur le principe, cela ne choque pas qu’un président le soit mais de mon côté ce n’était pas mon objectif et pas nécessaire. J’ai souhaité rester bénévole.

Qu’est-ce qui vous a poussé à briguer la présidence de la FFR ?

C’est un cheminement progressif. Pierre Camou m’a proposé de rejoindre son équipe et je me suis retrouvé élu au comité directeur de la FFR sous la présidence de Bernard Laporte fin 2016. A la fin de ce mandat, j’ai rejoint une équipe de 12 personnes pour réfléchir à un projet d’alternance pour les élections suivantes, et au bout de six mois, l’équipe m’a désigné pour être le candidat pour porter le projet. J’ai longuement réfléchi avec ma famille avant de me lancer en sachant que l’engagement allait être intense, mais j’ai accepté le challenge. Nous avons échoué de très peu sur cette première élection avec 13 clubs d’écarts sur 2000, mais l’équipe a continué à œuvrer au comité directeur et à se préparer pour l’élection suivante que nous avons gagnée confortablement. Pendant cette campagne, nous avons été beaucoup sur le terrain à la rencontre des clubs, chaque semaine, pour les écouter et répondre à leurs questions. Je garde ce lien avec le terrain depuis car c’est localement que le rugby doit se relancer. La vérité est sur le terrain.

Justement, quels sont les grands axes de votre mandat pour le rugby français ?

Nous avons défini cinq axes stratégiques.

Le 1er est d’assainir les finances de la FFR, qui souffre d’un déficit structurel de 18 millions d’euros, malheureusement fortement aggravé par le déficit de 54 M d’euros de la Coupe du Monde dont on nous promettait pourtant qu’elle serait très bénéficiaire.

Le 2ème est d’améliorer la performance de l’ensemble des équipes de France et de l’arbitrage au plus haut niveau. Sur ces points, je suis très optimiste, nous avons structurellement les moyens de nos ambitions, des relations saines avec la LNR et les résultats actuels de nos équipes de France sont globalement positifs. Notre travail sur l’arbitrage va aussi payer.

Le 3ème axe est de renforcer l’influence de la France sur la scène internationale, notamment à World Rugby. Jusqu’ici nous y étions quasi inexistants. Désormais, notre voix porte : nous avons plusieurs Français impliqués à des postes clés dans les commissions et nous sommes attendus pour jouer un rôle sur la scène internationale. Il y a des enjeux forts en Europe notamment en Espagne et en Allemagne. Mais, nous avons également signé un contrat majeur avec l’AFD pour développer le rugby en Afrique et en Océanie. Nous avons tous besoin d’accompagner les nations où le rugby est encore trop peu présent pour devenir un sport véritablement mondial.

Le 4ème axe de notre stratégie est de relancer le rugby amateur par la base. Il faut relancer le rugby dans le monde scolaire, il faut valoriser les clubs formateurs, améliorer les installations etc… Il est essentiel aussi d’améliorer le maillage territorial, car nous avons un problème d’accessibilité et de développement local avec seulement 2000 clubs de rugby pour 13 000 clubs de football et de vraies zones d’ombres pour le rugby. Aujourd’hui, nous sommes le 2ème sport dans les médias avec des chiffres d’audience considérables mais nous ne sommes que le 9ème sport en termes de nombre de licenciés. Il nous faut transformer cette médiatisation en augmentation du nombre de licenciés. C’est important pour jouer le rôle éducatif et citoyen qui nous tient à cœur, mais ça l’est aussi pour assurer la compétitivité de nos équipes de France. Aujourd’hui 50% de nos sélectionnés viennent de villages ou petites villes de moins de 15 000 habitants… Sans club de rugby dans ces territoires, nous perdrons à moyen terme la performance de nos équipes de demain.

Enfin, le 5ème axe est de diversifier les sources de financement, notamment via des partenariats ou du mécènat avec des entreprises. Les collectivités territoriales sont les premiers partenaires de nos clubs mais leurs moyens sont à la baisse. Notre volonté est donc de transformer la fédération en fédération à mission en dépassant le simple rôle sportif du rugby et d’aller chercher des ressources auprès des entreprises au travers notre fonds de dotation « Rugby au Cœur » sur les dimensions éducatives et citoyennes (éducation par le sport, santé, inclusion, eco-responsabilité, emploi…)

Vous insistez beaucoup sur le rôle éducatif et sociétal du rugby. Pouvez-vous développer ?

Le rugby ne se limite pas à la compétition. Il a un rôle social majeur, que ce soit dans l’éducation, l’insertion, ou encore la santé. Grâce à ce fond de dotation et au travail de nos clubs, nous avons de très beaux projets qui participent à développer la pratique dans les quartiers, les zones rurales, auprès des femmes et des personnes en situation de handicap…

Mais comment tout cela peut-il être mis en place sans infrastructures adaptées ?

C’est un gros enjeu effectivement. D’abord nous manquons de terrain : à peine plus de 2.500 terrains de rugby en France, quand le football peut compter sur plus de 36.000 terrains. Ensuite, beaucoup d’équipements sont vieillissants, datant des années 70, et ne sont plus adaptés au développement du rugby. Nous manquons notamment de vestiaires féminins. Nous avons donc monté un plan de financement avec l’ANS et des partenaires privés comme TotalEnergies pour moderniser les équipements de nos clubs.

Quels sont les défis actuels pour la Fédération ?

La priorité immédiate est de résoudre le problème financier. Si nous devions payer les 54 millions de déficit de la Coupe du Monde de rugby dont nous avons hérité, nous serions en faillite. Nous sommes en discussion avec l’État pour trouver des solutions.

L’impact des Jeux Olympiques a-t-il été positif pour le rugby ?

Nous avons d’abord eu la Coupe du Monde de Rugby à la maison qui nous a fait passer un cap de +20% de licenciés de féminines et 11% chez les garçons. Derrière, les Jeux nous ont permis de fidéliser ces nouveaux licenciés et d’élargir notre public avec des audiences très élevées et une nouvelle visibilité. Habituellement, l’année qui suit la Coupe du Monde nous observons une décroissance. Cela n’a pas été le cas cette année grâce à l’enchainement avec les JOP, nous avons pu fidéliser tous nos nouveaux licenciés. Désormais l’enjeu est de continuer à grandir.

À un an, quels sont vos objectifs ?

Redresser la situation financière de la FFR et éviter le dépôt de bilan, continuer à performer avec nos équipes nationales et enclencher concrètement la relance du rugby amateur et l’augmentation du nombre de licenciés. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de vigneron, je suis ceci-dit un adepte du temps long et je sais qu’il nous faut construire dans le temps.

Un dernier mot pour conclure ?

Nous avons une vision claire et partagée, une équipe solide, et la volonté de faire évoluer le rugby français dans sa dimension sportive, mais aussi éducative et citoyenne.  Au rugby on ne transforme pas que les essais, on transforme les personnes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *