A LA RENCONTRE DE JEAN GRACIA ET EMMANUELLE JAEGER, PRESIDENT ET PRESIDENTE DELEGUEE DE LA FEDERATION FRANCAISE D’ATHLETISME

Publié le 24 février 2025 à 16h31 dans Non classé

Olbia poursuit son cycle d’entretiens des présidentes et présidents de fédération nouvellement élus afin de les découvrir et leur permettre de partager leur vision et leurs défis pour leur mandat.

Aujourd’hui, nous rencontrons un duo à la tête de la Fédération française d’athlétisme : Jean Gracia, président, et Emmanuelle Jaeger, présidente déléguée, ont été élus en décembre dernier et nous reçoivent ensemble au siège de la fédération.

Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours jusqu’à ce mandat 2025-2028 ?

Jean : Mon histoire avec l’athlétisme commence vers 16 ans sur un 50 mètres à l’école et on peut considérer que cette découverte a changé ma vie. Parce qu’un professeur m’a repéré et incité à rejoindre un club, je suis sorti de mon univers, de mes passions solitaires (l’Égypte et la philatélie) et j’ai appris à être moins timide. Très rapidement, au-delà de la pratique sportive, j’ai eu envie de m’investir dans la vie associative. A 17 ans j’ai intégré le comité directeur de mon club, l’Athletic Club de Cannes, où je n’ai jamais cessé d’être licencié jusqu’à aujourd’hui encore. Rapidement je suis devenu président du club, et me suis impliqué au comité départemental puis à la ligue régionale.

Côté professionnel, après un DUT en électronique, j’ai rejoint Texas Instruments où j’ai gravi les échelons progressivement jusqu’à devenir ingénieur. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à côtoyer la fédération puisque je faisais partie d’un groupe de travail sur les projets informatiques. Petit à petit, ma passion pour l’athlétisme a pris le pas sur mon parcours professionnel et j’ai décidé de rejoindre la fédération début 1992. D’abord directeur administratif au sein de la petite équipe de 20 personnes à l’époque, mon poste a pris une nouvelle dimension en 2001 à l’élection de Bernard Amsalem, qui m’a nommé directeur général, poste que j’ai quitté en 2014.

En parallèle, j’étais élu à la fédération européenne et ai entamé en 2015 une campagne pour en devenir président. J’ai perdu cette élection de peu, mais mon engagement à l’international ne s’est pas terminé pour autant que ce soit à European Athletics ou à World Athletics. J’ai encore un mandat actif au niveau européen car je considère qu’il est primordial que la France soit présente dans les instances pour peser de son poids dans les discussions. J’ai d’ailleurs pris la présidence des Championnats d’Europe qui devaient se dérouler en France en 2020, avec une équipe formidable et un projet vraiment enthousiasmant qui malheureusement a dû être abandonné en raison du Covid.

Aujourd’hui, je suis à la retraite et quand André Giraud, qui briguait un 2ème mandat à la présidence de la fédération en 2021, a fait appel à moi pour rejoindre l’équipe, j’ai répondu présent. C’est à l’occasion de ce premier mandat au sein du comité directeur de la FFA que j’ai rencontré Emmanuelle.

Emmanuelle : De mon côté, mon histoire avec l’athlétisme est beaucoup plus récente que Jean ! J’ai peu pratiqué de sport étant jeune, mais, à 37 ans, j’ai commencé à me mettre à la course à pied pour évacuer le stress quotidien. Je suis avocate de profession et courir dans Paris était une véritable soupape. A cette époque, je me suis inscrite à La Parisienne et j’ai découvert un potentiel jusqu’ici insoupçonné puisque j’ai terminé dans les 50 premières alors que je m’étais à peine entraînée. Ce fut une forme de révélation pour moi et au-delà de me décider à pratiquer plus régulièrement, mon inscription à l’Azur Olympique Charenton, m’a permis de découvrir le milieu associatif. J’ai rapidement développé une envie de m’investir avec un moteur clair : faire bouger les lignes. J’ai continué à pratiquer de plus en plus assidument et mené une carrière sportive de haut niveau en intégrant l’équipe de France de course sur route sur 100 kilomètres.

Parallèlement, avec le décès brutal du président du club, l’Azur Olympique Charenton s’est retrouvé à l’arrêt et j’ai décidé de le reprendre en main, de le structurer, de le développer. J’ai rapidement compris que pour faire bouger les lignes, il faut s’engager dans les instances. En 2016, j’ai donc intégré la ligue régionale pour travailler sur les questions environnementales et de responsabilité sociétale et commencé progressivement à regarder ce qui se passait sur le plan fédéral.

Pendant la période du Covid, ma carrière sportive a été stoppée nette et j’ai mis à profit le temps que j’avais pour réfléchir. J’ai alors interpellé les membres du comité directeur de l’ancienne mandature avec un programme et des propositions. C’est dans ce contexte qu’André Giraud m’a contactée pour intégrer l’équipe sur le mandat 2021-2025. Je suis donc arrivée avec mon regard de terrain, ma connaissance des clubs et c’est donc assez légitimement qu’André m’a nommée vice-présidente en charge de la vie des clubs sur la précédente mandature.

C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Jean.

Pourquoi avez-vous décidé de monter ensemble une liste pour cette élection ?

Emmanuelle : A titre personnel, je considère que mon parcours atypique est représentatif de ce qu’est réellement notre communauté. Nous avons de nombreux licenciés qui ne viennent pas des disciplines traditionnelles de l’athlétisme et qui sont donc très éloignées du fonctionnement fédéral. Je me dois de représenter cette part importante de ce qu’est réellement l’athlétisme sur le terrain.

Ensuite, j’aime vraiment travailler en équipe et pendant le précédent mandat Jean a été une forme de mentor pour moi. Il m’a appris à décrypter le milieu, à comprendre les clés. Cette période nous a rapprochés. J’avais, comme lui, une appétence pour l’international et il m’a accompagnée pour rejoindre la commission développement de la fédération européenne. Alors, quand il a muri sa décision de se présenter, il m’a semblé naturel de m’associer à lui.

Jean : C’est vrai que je l’ai murie longuement cette décision ! Il faut reconnaitre que j’avais été un peu échaudé par la campagne européenne, pas tant sur le résultat mais sur la manière. J’avais envie d’être dans le bon état d’esprit pour me lancer et, en septembre 2023, je me suis senti prêt. J’ai d’abord réfléchi de mon côté et, très rapidement, je me suis tournée vers Emmanuelle dont je connaissais les qualités et qui était complémentaire de mon parcours et de mon profil.

Emmanuelle : Cette notion de complémentarité était vraiment importante pour nous. Il faut évidemment bien s’entendre, avoir une vision commune mais si, en plus, on est complémentaires, on peut bâtir quelque chose de très vertueux pour faire évoluer le modèle. Avec mon œil neuf et la connaissance aigue de Jean des rouages fédéraux, nous avions précisément cette complémentarité nécessaire au-delà d’être un homme et une femme, un pistard et une coureuse.

Il est rare d’avoir une liste à deux têtes. Comment s’articule votre binôme ?

Emmanuelle : Nous ne sommes pas « co-présidents ». Il faut un leader, un maitre d’œuvre qui est incarné par Jean. Et il faut quelqu’un pour accompagner ce leader, apporter une vision complémentaire dans la gouvernance et se saisir du projet stratégique. Et j’incarne cette 2ème mission.

Comment s’est passée la campagne ?

Jean : Nous avons d’abord monté un tout petit groupe de réflexion fin 2023 pour imaginer les contours de notre organisation. Aux championnats de France de cross, nous avons commencé à constituer une équipe, à monter nos groupes de travail et à réfléchir à notre vision et au projet que nous voulions porter. La campagne n’a véritablement débuté qu’en septembre après les Jeux quand nous avons officialisé notre candidature. Elle s’est très bien passée avec les deux autres listes que nous connaissions déjà très bien.

Emmanuelle : La seule difficulté a été sur les questions de mixité et de duo de notre liste. Le sujet reste encore délicat à porter et n’a pas recueilli l’accueil que nous espérions. Mais justement, nous avons la conviction que notre duo va faire bouger les lignes !

Jean : On retiendra que la campagne au plus près du terrain nous a permis d’aller à la rencontre de nombreux clubs. Nous avons quand même fait plus de 62.000 km et organisé 28 réunions sur le terrain. C’est important quand on pense qu’il s’agissait de la première élection avec vote directe des clubs : de 200 délégués de clubs nous sommes passés à 2.000 clubs votants. IL nous fallait donc engager le terrain, échanger, comprendre leurs enjeux. Le contact avec les clubs a été extraordinaire. Il nous a permis de construire une vision claire, bâtir une fédération au service de ses clubs. C’était riche.

En arrivant à la tête de la fédération, qu’est-ce qui vous a le plus surpris ? En bien, en moins bien ?

Jean ; La moitié de notre liste était déjà élue sur le précédent mandat, on peut donc imaginer que nous connaissions déjà bien les dossiers. Pourtant, sans être à la tête de la fédération, on se rend vite compte que nous n’avions pas la nécessaire vision globale, nous ne connaissions pas les dossiers dans leur intégralité.

J’ai appris le jour de mon élection que la directrice générale avait quitté la fédération la veille. On arrive au siège fédéral le lundi suivant l’élection et les bureaux sont vides. Le plus dur à notre arrivée a donc été l’absence de passation des dossiers. Même si un transfert rapide a été fait avec le président sortant, ça reste une prise de fonction assez compliquée !

Nous manquons de données, de reporting sur les projets lancés pour juger de leur réussite et des besoins éventuels d’accompagnement. C’est le plus dur pour l’instant pour avancer et lancer la machine… Malgré les difficultés liées à la non passation, les collaborateurs sont au soutien pour aider au mieux la nouvelle équipe.

Quelles sont vos priorités ?

Dans notre projet nous avons défini 4 priorités.

La 1ère est l’efficacité. A travers ce terme, nous voulons regrouper tous les projets de simplification, de stabilisation de nos règlements, d’amélioration de la communication avec les clubs en veillant aux retours du terrain et en évitant une vision toujours trop « descendante » de nos échanges.

La 2ème priorité, c’est l’innovation. Au-delà de l’aspect technique, nous pensons à travers cet axe à la sensibilisation des jeunes à la pratique, à la façon de repenser nos disciplines et notre offre de services pour accueillir les nouveaux pratiquants et accompagner les bénévoles qu’ils soient dirigeants, entraineurs ou officiels.

La 3ème priorité est l’engagement. Cet axe regroupe toutes les actions autour de notre politique environnementale et sociétale, la lutte contre les déviances et dérives… Nous souhaitons parler prévention et sanction avec un principe de tolérance zéro qui nous tient à cœur.

Enfin la 4ème priorité est la haute performance. Sous l’impulsion d’Odile Diagana, vice-présidente, nous souhaitons repenser les filières de détection, travailler sur le sport à l’école, accompagner la professionnalisation des athlètes et revoir globalement les filières d’excellence en collaboration avec les clubs, les entraineurs et les pôles…

Quelles sont vos sources d’inspiration en dehors de votre sport ?

Jean : Je vais être honnête, je ne suis pas un grand consommateur de sport en dehors de l’athlétisme. Mais il me semble vraiment intéressant d’échanger avec les autres fédérations pour partager et s’inspirer de leurs expériences. Dans ce contexte, les réunions « les mardis des présidents » organisées par la CNOSF sont plutôt inspirantes ! Par ailleurs, je reste convaincu que c’est le terrain qui nous apprend le plus et dans ce contexte notre campagne et nos nombreuses rencontres avec les clubs ont été particulièrement inspirantes. C’est aussi vrai d’ailleurs de la campagne que j’ai pu mener dans les 50 pays européens pour ma candidature à la présidence de European Athletics. Mes échanges avec les athlètes m’inspirent également pour nourrir nos réflexions sur les projets autour de la haute performance…

Allez-vous conserver une activité professionnelle en parallèle de votre mandat ?

Jean : Je suis désormais à la retraite et je peux donc me consacrer pleinement à ma mission de président.

Emmanuelle : De mon côté, en prenant mon mandat j’ai décidé de réduire mon activité d’avocate de moitié pour pouvoir travailler sur les projets fédéraux. Je me rends bien compte que c’est déjà compliqué et j’envisage peut-être même d’arrêter complètement pour être à 100% à la fédération dans les prochains mois…

Crédit photo : @KMSP/FFA

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