Elections fédérales 2024 : regards croisés sur les débuts de mandat de 14 présidentes et présidents nouvellement élus 

Publié le 1 avril 2025 à 9h39 dans Non classé

Année olympique et paralympique rime avec tenue des élections dans les fédérations de sports d’été. Entre l’application de la loi Sport de 2022, qui réforme les modalités des élections fédérales, l’impact des Jeux de Paris 2024 et un contexte budgétaire contraint, d’importants défis se dressent devant les présidentes et présidents nouvellement élus.  

Entre janvier et mars 2025, l’équipe Olbia a rencontré quatorze présidentes et présidents de fédération nouvellement élus pour évoquer leur parcours, leur engagement, leur vision et leur ambition : 

Des expériences électorales variées 

La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a introduit plusieurs mesures destinées à renforcer la démocratie interne des fédérations, notamment le vote direct des clubs et l’instauration de la parité hommes-femmes au sein des instances dirigeantes. Dans leur retour d’expérience sur les élections fédérales, le ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative et le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) partagent une hausse de 10% de la représentation des administratrices dans les instances dirigeantes par rapport à 2020. Cette part s’établit aujourd’hui à 49%, une hausse rendue possible par la loi de 2022 mais également par des initiatives telles que le Club des 300 du CNOSF duquel sont issues 54 administratrices élues en 2024. 

L’application de cette loi a donc modifié certaines logiques des scrutins fédéraux. Jean-Pierre Hunckler (basketball) estime ainsi que « la campagne n’a pas été si simple en raison des réformes du mode d’élection ». D’après lui, « l’introduction du vote direct des clubs a changé la dynamique habituelle des élections », un avis partagé par Julien Mégret (tir à l’arc) qui a été élu avec un taux de participation de 27% des clubs et selon lequel il faut « repenser le format pour inciter les clubs à participer au vote ».  Pascal Bonnetain (canoë-kayak et sports de pagaie), Frédéric Bouix (équitation) et Henri-Claude Lambert (hockey) relatent des problèmes inhérents à la non-conformité de certaines listes, rendues inéligibles pour le scrutin fédéral, source de tensions durant les élections1. Dans le cas des fédérations de hockey et d’équitation, aucune liste concurrente n’a pu se présenter. Dans ce contexte, Frédéric Bouix évoque « des tensions et une campagne de dénigrement ». Jean Gracia et Emmanuelle Jaeger (athlétisme), portant une atypique liste bicéphale, décrivent un accueil délicat des instances sur cette double candidature et leur volonté de « faire bouger les lignes ». 

Un défi financier 

Face à la baisse des budgets dédiés au sport et aux tensions financières que subissent les fédérations, plusieurs nouveaux élus mesurent l’ampleur du défi budgétaire qui marquera leur mandat. Florian Grill (rugby) ne cache pas son inquiétude : « la priorité immédiate est de résoudre le problème financier ». Henri-Claude Lambert parle de « remettre la fédération dans le vert ». Garant du bon fonctionnement des fédérations, l’équilibre économique passe par une diversification des ressources. Nicolas Métay (savate, boxe française et disciplines associées) insiste sur cet impératif : « D’ici un an, on souhaite que la fédération ait atteint l’équilibre budgétaire, et cela nécessite de nouvelles sources d’entrée d’argent ». Une situation que subit également la FF athlétisme, dont la priorité du président et de la présidente déléguée, à leur prise de fonction, a été de mettre en place un audit financier. 

La France à l’international 

La France a été au centre du sport mondial durant l’été 2024, une position née du travail de fond mené depuis plusieurs années par les acteurs français à l’échelle internationale. Conscientes de l’enjeu, de nombreuses fédérations placent l’international au cœur de leur mandat. Leur objectif : asseoir l’influence française au sein des instances dirigeantes internationales, renforcer la coopération avec d’autres nations et faire valoir leur position au-delà de l’hexagone. Florian Grill note l’importance d’avoir « plusieurs Français impliqués à des postes clés dans les commissions » de World Rugby pour renforcer l’influence de la France. Cette volonté de peser à l’échelle internationale est également très prégnante pour les présidents des Fédérations de basket et d’athlétisme, qui revendiquent tous deux fortement l’ambition de s’impliquer à l’échelle européenne et mondiale. Si l’organisation récente de deux compétitions majeures en France (Coupe du monde de rugby en 2023 puis Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024) a permis de démontrer un savoir-faire indéniable, la consolidation du poids d’un sport à l’échelle mondiale passe aussi par une présence forte au quotidien dans les instances européennes et mondiales. Sur le volet des coopérations, Roger Paoletti (sport d’entreprise) évoque quant à lui sa volonté d’« accompagner d’autres pays dans la structuration de leur propre modèle de sport en entreprise ». Le rugby revendique également ce travail de coopération dans les pays émergents pour développer la pratique et faire grandir la place du rugby dans le monde. 

Les statuts des présidentes et présidents 

Alors que le statut de bénévole est interrogé au sens large dans un processus de professionnalisation du sport, la question se pose pour les présidents de fédération. Certaines et certains d’entre eux souhaitent se consacrer uniquement à leur fonction, c’est le cas de Jean-Pierre Hunckler, Julien Mégret, et Frédéric Bouix, selon qui, « il est impossible aujourd’hui de mener un tel projet efficacement sans y consacrer tout son temps ». À l’instar de Nicolas Métay et d’Aurélie Poulain (char à voile), d’autres élus conservent au contraire leur activité professionnelle. La présidente de la FF char à voile explique ainsi : « J’ai […] réduit mon contrat à 80%, et la fédération complète le reste de mon salaire, une action rendue possible par la loi sport de 2022 ». Pour sa part, Rémy Delhomme (escrime) s’est vu offrir par son employeur la possibilité d’entrer dans un cadre de mécénat de compétence. Florian Grill souhaite quant à lui conserver pleinement son statut bénévole pour continuer en parallèle à gérer sa propre entreprise.  

Les premières actions à la tête de la fédération 

Au lendemain des élections, les nouveaux présidents changent de statut, une réalité décrite par Nicolas Métay : « La dimension protocolaire du poste m’a surpris. Être appelé ‘président’ et naviguer dans les rendez-vous et opérations de communication qui accompagnent ce rôle a rapidement montré combien il est facile de se laisser griser par cette nouvelle identité ». Il est également nécessaire d’entrer directement dans le cœur de l’action pour lancer pleinement la mandature en suivant la ligne du nouvel élu.  Pascal Bonnetain décrit qu’il a souhaité « marquer une rupture avec la précédente gouvernance » en effectuant des changements dans les effectifs de la fédération. Rémy Delhomme évoque la mise en place d’une « task force » pour traiter rapidement « des questions de ressources humaines et des enjeux budgétaires, des domaines où des actions immédiates étaient nécessaires ». Franck Laurent (badminton) a quant à lui priorisé la poursuite de chantiers qui étaient déjà en cours tout en lançant des réflexions de fond sur des nouveaux dossiers structurants pour la fédération comme la refonte du format de l’assemblée générale et un rapprochement avec le pickleball.  

Les territoires et le haut-niveau, les deux enjeux majeurs des nouveaux élus 

Lors des interviews, nous avons interrogé les présidentes et présidents sur les enjeux qui guideront leur mandat. Deux ressortent principalement : la proximité avec les territoires (ligues, comités et clubs) et le développement du haut-niveau. 

Être davantage disponible pour les territoires, c’est ce que Dominique Mérieux (gymnastique) met en avant : « un des enjeux forts de ce mandat sera […] de renforcer notre collaboration avec les structures déconcentrées et de tisser des liens plus étroits avec les clubs ». Julien Mégret précise la manière dont il souhaite accompagner les clubs dans leur structuration : « notre rôle est d’être facilitateur, de les aider dans leur développement ». 

L’autre enjeu largement évoqué est celui du développement du haut-niveau, que ce soit pour des fédérations dont la haute performance est déjà structurée (FF basketball, gymnastique, canoë-kayak et sports de pagaie) ou d’autres dont ce volet est en cours de construction. En charge du flag football, nouvelle discipline olympique, Frédéric Paquet (football américain) est par exemple conscient du défi auquel il fait face afin de qualifier les équipes féminines et masculines pour Los Angeles 2028. La France accueillera d’ailleurs les championnats d’Europe en septembre 2025 à Paris et dans le Val-de-Marne. En parallèle, le ministère ne reconnait plus le football américain comme étant de haut niveau, un changement majeur dans la gestion de la discipline : « nous perdons les financements associés, notre comité directeur a donc décidé de fermer les pôles espoirs et l’équipe de France à la fin de la saison ».  

Ce double enjeu, entre ancrage territorial et ambition de performance, dessine les lignes directrices des mandats qui débutent. Pour ces présidentes et présidents, il s’agit à la fois de consolider la base et de hisser leur discipline vers de nouveaux sommets, avec l’objectif commun de faire collectivement grandir leur fédération dans un paysage sportif en pleine évolution. 

1Ces problèmes d’inéligibilité de listes ont également concerné d’autres fédérations comme le FF boxe et la FFroller et skateboard.  

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